Rezension über:

Antje Junghanß: Zur Bedeutung von Wohltaten für das Gedeihen von Gemeinschaft. Cicero, Seneca und Laktanz über beneficia (= Palingenesia. Schriftenreihe für Klassische Altertumswissenschaft; Bd. 109), Stuttgart: Franz Steiner Verlag 2017, 277 S., ISBN 978-3-515-11857-6, EUR 56,00
Inhaltsverzeichnis dieses Buches
Buch im KVK suchen

Rezension von:
Guillaume Flamerie de Lachapelle
Université Bordeaux Montaigne
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Guillaume Flamerie de Lachapelle: Rezension von: Antje Junghanß: Zur Bedeutung von Wohltaten für das Gedeihen von Gemeinschaft. Cicero, Seneca und Laktanz über beneficia, Stuttgart: Franz Steiner Verlag 2017, in: sehepunkte 18 (2018), Nr. 10 [15.10.2018], URL: https://www.sehepunkte.de
/2018/10/30819.html


Bitte geben Sie beim Zitieren dieser Rezension die exakte URL und das Datum Ihres Besuchs dieser Online-Adresse an.

Antje Junghanß: Zur Bedeutung von Wohltaten für das Gedeihen von Gemeinschaft

Textgröße: A A A

L'ouvrage ici recensé est issu d'une thèse de doctorat soutenue à Dresde en 2015.

Il entend répondre à plusieurs questions à partir du De officiis de Cicéron, du De beneficiis de Sénèque et des Institutions divines de Lactance: pourquoi prodiguer des beneficia? Comment ceux-ci peuvent-ils être profitables à l'ensemble de la communauté? Ce dernier point implique aussi de définir le bon modèle de société et à cet égard, le lien entre société contemporaine et société idéale est étudié tout au long de l'enquête. Le corpus est cohérent, comme le montrent l'introduction mais aussi le cœur de la monographie, qui situe souvent un auteur par rapport à ses devanciers: Cicéron et Sénèque se fondent, selon des modalités différentes, sur la doctrine stoïcienne; Lactance prend ses distances avec ses prédécesseurs, en particulier Cicéron. C'est donc à l'étude de trois pensées autonomes en elles-mêmes, mais propices à des comparaisons et à un dialogue, que nous convie Junghanß.

Son livre paraît après des travaux importants concernant le De officiis [1] et surtout le De beneficiis. [2] Certains adoptaient une approche inspirée de la pensée maussienne ou des théories de la communication. [3] Telle n'est pas la perspective centrale de l'auteur, qui ne méconnaît pas pour autant l'intérêt de ces démarches: elles sont évoquées (15-16, 105-106) et parfois appliquées (30-34, 96-101, 245-248).

Dans un premier temps, Junghanß pose un cadre indispensable pour l'intelligence des passages examinés par la suite: étude de termes connexes tels officium, liberalitas, humanitas, largitio, misericordia, dont la connotation positive ou négative est variable d'un des trois auteurs à l'autre; aperçu éclairant de notions philosophiques ou historiques (entre autres okeiôsis; indifférents; relation patron / client, essentielle sous la République mais encore importante sous l'Empire).

Les trois chapitres suivants portent chacun sur une œuvre et adoptent un plan analogue: état de la question; annonce de la problématique; structure de l'œuvre; étude détaillée d'une série de passages groupés de façon à restituer les étapes du raisonnement de l'auteur antique; bilan.

Junghanß se livre à une mise au jour progressive des ressorts de la bienfaisance dans le De officiis: a) La bienfaisance est conforme à la natura et a partie liée avec la iustitia. b) Elle s'applique selon des principes précis, parmi lesquels la nécessité d'attribuer à chacun son dû (suum cuique tribuere) est prépondérante et amène à prendre en considération la moralité du destinataire du bienfait et sa proximité par rapport au bienfaiteur; par ailleurs un bienfait ne doit nuire à personne (ni au destinataire, ni à un tiers). c) Écrivant à un moment de crise de la République, régime dont il est nostalgique, Cicéron ne sépare pas la valeur éthique d'un bienfait de son intérêt pratique. La bienfaisance, apanage des membres de la classe dirigeante, peut se traduire par des distributions d'argent ou, mieux, par des actes d'autre nature qui ne porteront tort ni au patrimoine du bienfaiteur ni à celui de personne: elle permet aux dirigeants de s'attacher la multitude afin d'œuvrer pour son bien. Les réformes agraires, niant la propriété et bafouant donc le principe consistant à attribuer à chacun ce à quoi il a droit, sont en revanche à proscrire.

Constatant la gravité du fléau qu'est l'ingratitude, Sénèque affirme dans les Bienfaits qu'il faut non seulement aider, mais encore le faire d'une façon qui n'annule pas l'acte même (avec mauvaise grâce, hauteur, etc.). Junghanß met en évidence la double nature du bienfait, composé d'un contenu moralement sans valeur (un indifférent) et d'une voluntas bonne qui consacre la bienfaisance comme vertu. Aussi la condition sociale des deux parties n'est-elle pas non plus déterminante. En effet, à l'asymétrie des statuts sociaux s'oppose la symétrie de la vertu: être reconnaissant, c'est être vertueux et donc n'être inférieur à personne. Le bienfait trouve sa récompense dans son propre accomplissement et le Cordouan préconise de le dispenser même à des ingrats, ce qui pourrait avoir une valeur thérapeutique à la fois pour le bénéficiaire et pour la société dans son ensemble - à condition que ces ingrats ne soient pas d'une malignité inexpugnable, car il est alors vain de perdre son temps avec eux. À plusieurs endroits du traité, le philosophe dirige son attention non seulement sur l'attitude du bienfaiteur, mais aussi sur celle du destinataire, ce que Junghanß montre bien en analysant les trois étapes du bienfait: donner, recevoir, rendre. La nécessité des beneficia pour se conformer à la vie en communauté suivant le dessein divin est souvent démontrée par contraste, à partir de la nocivité de l'ingratitude. Sénèque ne perd jamais de vue la double appartenance de l'homme à la Cité universelle et à Rome: c'est la première qui importe et qui permet de mépriser les avanies subies dans la seconde.

Lactance décrit le règne de Saturne comme une aurea aetas (l'auteur évoque un "monothéisme primitif" ["Urmonotheismus"]): sans qu'on puisse parler de communisme, les riches gèrent leurs biens, dont ils sont dépositaires plus que propriétaires, au profit des plus modestes. La venue du Christ a donné l'espoir d'un retour de cette ère de bonté. D'une façon générale, la beneficentia consiste avant tout à venir en aide à ses semblables les plus pauvres, aux étrangers, en se plaçant à leur niveau, voire plus bas (humilitas). On n'attend pas de compensation de la part de ces indigents, mais cela ne signifie pas que le bienfait est perdu car c'est Dieu qui le rétribuera dans l'au-delà. Dès lors, la beneficentia véritable ne s'entend qu'en honorant Dieu. La nature du profit est d'ordre eschatologique, alors qu'elle était aussi matérielle chez Cicéron. L'éloge de Constantin suggère que la Rome contemporaine s'approche d'un idéal social.

Ce travail est en somme une belle réussite. Junghanß évolue sur trois continents de la pensée romaine sans jamais s'égarer, grâce à une remarquable maîtrise de la bibliographie la plus récente. [4] À ce propos, les ouvrages des autres savants ne se réduisent pas à de simples ornements ni à de vagues références inexploitables pour le lecteur, comme c'est le cas dans maints travaux aujourd'hui. Au contraire, leur pensée est clairement exposée et discutée dans les notes; les traductions personnelles sont d'une grande précision; des tableaux fort précieux récapitulent les conclusions de Junghanß sans jamais simplifier sa démonstration. Parmi les forces de l'ouvrage, mentionnons aussi l'attention au vocabulaire et à la forme même du texte, ainsi que le souci de rétablir les étapes implicites du raisonnement des auteurs anciens (ainsi 66-67: nature des bienfaits dont on est redevable à ses parents et à sa patrie; 255). Très fine est l'analyse des nuances entre deux auteurs (par exemple 68-70: Cicéron, comme Hiéroclès, classe les individus en cercles concentriques allant du plus proche au plus éloigné du sujet, mais maintient des distinctions entre eux au lieu de les confondre dans une union idéale: le schéma est donc similaire en apparence mais procède d'une vision du monde différente).

Les coquilles sont rares et ne gênent pas la lecture (ainsi 22: lire "Schriften" et non "Schrifren"; 223: "im" et non "iim"), sauf dans quelques citations (ainsi 155: lire expetendam et non expetendum; 225: tueatur et non tueat).


Notes:

[1] Andrew R. Dyck: A Commentary on Cicero De officiis, Ann Arbor 1996, demeure fondamental.

[2] Notamment Miriam T. Griffin: Seneca on Society. A Guide to De beneficiis, Oxford 2013.

[3] Nous songeons ici à une série de travaux publiés chez l'éditeur Palumbo à Palerme, dont Giusto Picone / Lucia Beltrami / Licinia Ricottilli (a cura di): Benefattori e beneficati: la relazione asimmetrica nel de beneficiis di Seneca, en 2011; aussi Martin Degand: Sénèque au risque du don. Une éthique oblative à la croisée des disciplines, Turnhout 2015.

[4] Manque éventuellement Valéry Laurand: La Politique stoïcienne, Paris 2005.

Guillaume Flamerie de Lachapelle