Ido Israelowich: Society, Medicine and Religion in the Sacred Tales of Aelius Aristides (= Mnemosyne. Supplements - Monographs on Greek and Latin Language and Literature; Vol. 341), Leiden / Boston: Brill 2012, X + 206 S., ISBN 978-90-04-22908-2, EUR 101,00
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Aelius Aristide revient à l'honneur dans la recherche après une période de purgatoire. Les modernes sont intéressés aujourd'hui par cela même qui faisait dédaigner autrefois cet auteur: son appartenance à l'époque post-classique (IIe siècle après J.-C.), sa situation de Grec dans l'Empire romain, ses liens avec la Seconde Sophistique, son engagement rhétorique et religieux. A quoi les Discours sacrés ajoutent des traits particuliers et également intéressants pour notre époque, comme la présentation du "moi", la médecine et les rêves. Les conditions sont donc réunies pour la réhabilitation d'un ouvrage qui a la force d'un document anthropologique. C'est pourquoi les Discours sacrés ont suscité ces dernières années plusieurs livres et articles, en contraste avec la situation précédente.
Dans ce contexte s'inscrit le livre d'Ido Israelowich, issu d'une thèse de doctorat préparée à Oxford sous la direction de grands maîtres (Alan Bowman et Ewen Bowie comme "supervisors", Simon Price et Michael Trapp comme "examiners"). Composé de trois chapitres, ce livre vise à présenter plusieurs aspects essentiels des Discours sacrés. Des annonces et des récapitulations développées ponctuent l'exposé. La bibliographie est très ample, avec une prédilection pour les publications en langue anglaise.
Le premier chapitre étudie les Discours sacrés en tant qu'ouvrage littéraire et cherche à retracer les circonstances de composition, le but autobiographique et le lectorat visé. A propos du passage dans lequel Aristide indique qu'il tenait sur parchemin un registre de ses rêves (Or. 48.8), on peut être plus précis quant à la présentation matérielle et au contenu d'un tel document [1]. - Le deuxième chapitre, de loin le plus long, est consacré à la médecine. I. Israelowich décrit le contexte médical dans lequel a vécu Aristide et propose de solides synthèses sur la médecine en Grèce et à Rome et sur les théories relatives aux rêves. Il conclut à juste titre qu'Aristide n'a pas cherché à ramener ses maux à une maladie unique (131). En ce qui concerne Galien, il serait utile de rappeler que ce grand médecin rencontra personnellement Aelius Aristide et porta un avis sur son cas. [2] Pour comprendre comment Asclépios a pu prescrire un prélèvement de "cent vingt litres" de sang (Or. 48.47), chiffre énorme qui embarrasse I. Israelowich (115), il faut se référer à la phrase qui suit, dans laquelle Aristide explique que cette quantité ne pouvait pas être atteinte, naturellement, en une seule fois, mais seulement grâce à des saignées nombreuses. - Le troisième chapitre envisage l'expérience religieuse décrite dans les Discours sacrés et souligne qu'Aristide n'était pas un cas isolé en son temps; il est "représentatif" (179) de son époque. Insistons bien, cependant, sur le fait qu'il est représentatif de certaines tendances de l'époque, non de toutes: son commerce permanent avec les dieux, ses cures paradoxales, les antipsychies dont il était sûr d'avoir bénéficié, faisaient tout de même d'Aristide une personnalité curieuse et singulière.
Ido Israelowich nous donne ici une étude attentive et juste, qui offre des bases sûres pour la lecture et l'interprétation des Discours sacrés. Pour prolonger ce travail, l'attention pourra se porter sur d'autres aspects, qu'Ido Israelowich n'avait pas à traiter, car ils ne font pas partie de son sujet, et qui sont intéressants à titre additionnel: la société gréco-romaine vue à travers les Discours sacrés, y compris les difficiles problèmes prosopographiques; et encore, la rhétorique, la poésie, la littérature et la culture en général: l'auteur est un homme de lettres, et ses obsessions d'homme de lettres transparaissent dans ses mémoires. Les Discours sacrés sont un ouvrage riche et complexe, dont on n'a pas encore fini d'examiner toutes les facettes.
Notes:
[1] Laurent Pernot: Le livre grec au IIe siècle ap. J.-C. à partir de l'œuvre d'Ælius Aristide, in: CRAI 151 (2007), 949-952.
[2] Galien, Commentaire au Timée de Platon, 33 Schröder.
Laurent Pernot