Rezension über:

Theodora Suk Fong Jim: Sharing with the Gods. Aparchai and Dekatai in Ancient Greece (= Oxford Classical Monographs), Oxford: Oxford University Press 2014, XV + 373 S., ISBN 978-0-19-870682-3, GBP 80,00
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Rezension von:
Ioanna Patera
Paris
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Ioanna Patera: Rezension von: Theodora Suk Fong Jim: Sharing with the Gods. Aparchai and Dekatai in Ancient Greece, Oxford: Oxford University Press 2014, in: sehepunkte 15 (2015), Nr. 1 [15.01.2015], URL: https://www.sehepunkte.de
/2015/01/26046.html


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Theodora Suk Fong Jim: Sharing with the Gods

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Ce livre, issu d'une thèse de doctorat soutenue à Oxford, s'attache à deux termes grecs désignant des offrandes d'un caractère particulier, les aparchai et dekatai, les prémices et les dîmes. En huit chapitres, l'auteur examine le vocabulaire, la mentalité religieuse qui sous-tend ces types d'offrandes, les prémices agricoles, celles faites lors des repas, les dédicaces privées, les offrandes militaires, le réseau constitué par la religion, la politique et le pouvoir au centre duquel se trouvent ces offrandes et, enfin, les aparchai et les dekatai dans le cadre des finances du culte. Cet aperçu est complété par un appendice sur les occurrences des offrandes humaines dans le cadre de la colonisation, d'une riche bibliographie et d'un index des sources et thèmes.

Après un état de la question qui expose l'historiographie, comprenant des études aussi bien d'hellénistes que d'anthropologues, la méthode suivie est clairement formulée. L'auteur prend en compte toutes les occurrences des termes, de la période archaïque à la fin de l'époque hellénistique, en tenant compte des cas où les termes sont absents mais où l'on retrouve les caractéristiques principales des prémices: ce sont des parties prélevées sur un ensemble, des offrandes préliminaires qui expriment la primauté des dieux. Loin de tracer l'origine des prémices, l'auteur examine des cas particuliers qui lui permettent de déceler les nuances des différentes pratiques. Pour ce faire, elle examine à la fois les offrandes des particuliers et des communautés, en utilisant la dichotomie traditionnelle entre public et privé pour rendre compte de l'interaction entre tradition et initiative personnelle. En plus de la question de savoir quels types de prémices étaient offerts et dans quels contextes, ce qui intéresse finalement l'auteur, suivant une direction récente des études sur la religion grecque, ce n'est pas tant le rite que les croyances et les mentalités.

Le vocabulaire de l'aparchê et ses dérivés apparaît dans des contextes aussi divers que le sacrifice animal, les dédicaces et les finances du culte. L'auteur mesure les changements sémantiques des termes, depuis les sources homériques où le verbe aparchesthai désigne l'acte inaugural du sacrifice consistant à couper quelques poils à brûler, le verbe archesthai signifie les premières parts de viande crue et le substantif argmata les parts préliminaires de viande. Plus tard, aparchesthai s'applique aussi bien à la viande qu'aux entrailles offertes. L'aparchê peut s'appliquer au sacrifice et désigne parfois plus simplement une offrande, tout comme les apargmata. Quant au verbe katarchesthai, il désigne plus spécifiquement l'étape précédant la mise à mort. Un autre terme, l'akrothinion, désigne la part que constitue le sommet d'un tas.

Les termes eparchê et eparchesthai apparaissent dans le domaine des finances du culte et désignent un paiement fixe, notamment pour le sacrifice, pour une guérison, ou encore une sorte de taxe. Ces sommes génèrent un revenu revenant parfois au prêtre, servent à faire de nouvelles dédicaces ou encore à entretenir le sanctuaire. La dekatê, littéralement une dîme, et ses dérivés, se réfèrent à des biens, des revenus, du butin ou des produits agricoles, ainsi qu'à des cités et des populations. Les dekatai, contrairement aux aparchai, désignent souvent des offrandes militaires, destinées aux sanctuaires panhelléniques. L'auteur examine dans ce cas la valeur de la part du dieu et la rivalité exprimée par les cités au moyen des offrandes. Pour la confection de monuments, bien plus d'un dixième des gains à la guerre pouvait être utilisé. Quant aux motivations, en plus des honneurs accordés aux dieux, il y a des motifs politiques. Sur le plan social, mettre de côté la part des dieux apparaît comme un moyen rituel de contrôler les conflits autour de la division du butin. Les dekatai désignent encore des taxes et des paiements dans des contextes profanes.

La motivation des offrandes, loin de s'expliquer par la formule de do ut des et de ses variantes, est abordée à travers la notion de charis. Son explication par la notion de la réciprocité est inadéquate puisque cette dernière est en réalité un idéal à atteindre. L'échange n'est pas réciproque dans le sens mercantile du terme, mais implique les notions de bonne volonté, de plaisir et de gratitude. Ainsi, aparchai et dekatai marquent la priorité des dieux et leur rendent, en partie et de manière symbolique, ce qui est véritablement leur propriété. L'offrande reconnait une dette qu'elle acquitte tout en en créant une nouvelle. À cela se mêlent l'espoir d'un retour matériel, le désir de se montrer, la compétition, l'apaisement d'un état d'incertitude. La pratique de ces offrandes relève finalement d'une tradition socialement prescrite, adaptée aux besoins de l'individu et aux circonstances.

Les prémices agricoles sont abordées à travers les fêtes. Aux Proérosia, des aparchai de grain sont envoyées de la part de nombreuses cités à Athènes en remerciement pour avoir mis fin à une famine. Très justement, l'auteur remarque que ces aparchai sont destinées aux Athéniens et non aux dieux. Autour des moissons nous trouvons les Thargélies et les Pyanopsies, les Thalysies, enfin les Pithoigia où l'on offre le vin nouveau. L'idée de la désacralisation de la nourriture qui a servi à expliquer ces pratiques est à juste titre considérée par l'auteur comme une construction moderne.

Les prémices offertes lors des repas quotidiens sont un sujet novateur. Les prémices de nourriture sont brûlées ou déposées, quelques gouttes de boisson sont versées sur le sol ou sur l'autel. L'idée encore souvent admise de la sacralisation de l'ensemble par l'offrande d'une part est en réalité absente des sources.

Le caractère humble de ces prémices alimentaires contraste avec la majorité des prémices plus précieuses. Les dédicaces de particuliers concentrées au Ve siècle et désignées le plus souvent comme des dekatai, sont généralement considérées comme l'expression de la richesse d'une personne. Elles sont plus souvent le fait de personnes modestes qui précisent leur métier. Les motivations concernent principalement la prospérité, le travail et l'accomplissement d'un vœu. Les objets sont bruts ou convertis ou, selon l'alternative proposée ici, neufs ou de seconde main. La plupart sont présentés aux sanctuaires principaux des cités, adressés aux dieux dans leur ensemble représentés par la divinité principale.

La plupart des prémices examinées ici sont motivées par des occasions dignes d'être commémorées ou par un remerciement. Elles sont de caractère rétrospectif: données après un succès ou des bienfaits, elles constituent la part préliminaire due aux dieux. En toute occasion, les individus étaient libres de choisir le genre d'offrande à faire et le mot adéquat pour la désigner. Selon l'auteur, le choix des termes est obscur. Nous pouvons toutefois considérer qu'il servait à mettre l'accent sur une motivation ou un type d'offrande précis.

Finalement, un réseau apparaît autour des aparchai, comprenant la religion, la politique et le pouvoir. Elles sont un moyen de créer et d'entretenir une relation entre le donateur et un récipiendaire, humain ou divin. Entre états, les pouvoirs politiques jouent sur l'idée de dette pour générer un sens du devoir et des profits matériels en suscitant des offrandes d'aparchai d'autres cités. On peut toutefois se demander si, comme le pense l'auteur, les cités qui les reçoivent acquièrent de la sorte un statut similaire à celui des dieux. Le tribut des alliés d'Athènes consiste en aparchai pour Athéna et pour les déesses d'Éleusis, importantes au point de vue économique pour la cité qui en profite. Quant aux aparchai destinées aux nouvelles fêtes panhelléniques, elles suivent le modèle des prémices envoyées lors des jeux. Ce qui importe dans ce cas ce n'est pas tant la valeur économique de l'aparchê que la reconnaissance du statut des jeux et le réseau diplomatique tissé. De la même façon, les aparchai envoyées aux cités colonisatrices renforcent les relations hiérarchiques avec les colonies.

Ce livre qui nous mène méthodiquement et avec finesse à travers ces pratiques de prémices a plusieurs mérites. Le vocabulaire est minutieusement précisé et les glissements sémantiques des termes sont relevés. Il évacue des idées reçues et des confusions, parlant de premières offrandes (first offerings) au lieu de prémices (first-fruits), immanquablement liées dans notre esprit au monde agricole. Il examine le rôle souvent négligé des particuliers en mettant l'accent sur la vitalité et la variété de la vie religieuse. Quant à la multitude de raisons de ces pratiques, les honneurs, la gratitude due aux dieux, la conformité à la tradition, la peur du futur, sans être des éléments neufs, elles contribuent à éclairer la mentalité des dédicants.

Ioanna Patera