Rezension über:

Oliver Stoll: Vestigia Cladis - Roms Umgang mit militärischem Misserfolg. Niederlagen verdrängen, Siege betonen, Resilienz beweisen, Berlin: Frank & Timme 2019, 436 S., ISBN 978-3-7329-0580-5, EUR 79,80
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Rezension von:
Yann Le Bohec
Université Paris-Sorbonne
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Yann Le Bohec: Rezension von: Oliver Stoll: Vestigia Cladis - Roms Umgang mit militärischem Misserfolg. Niederlagen verdrängen, Siege betonen, Resilienz beweisen, Berlin: Frank & Timme 2019, in: sehepunkte 20 (2020), Nr. 1 [15.01.2020], URL: https://www.sehepunkte.de
/2020/01/33566.html


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Oliver Stoll: Vestigia Cladis - Roms Umgang mit militärischem Misserfolg

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Voici un livre intéressant et original. L'auteur, un historien compétent, s'est demandé comment les Romains réagissaient face à un désastre militaire, et sa problématique constitue un complément au livre de H. J. Clark [Triumph in defeat, Oxford, 2014], où il était montré comment une défaite pouvait être transformée en victoire par la propagande. L'innovation de O. S. tient à ce qu'il insiste sur la notion de résilience. Ce mot est emprunté au vocabulaire des physiciens; ils l'utilisent pour parler de la réaction des métaux qui, soumis à une forte pression, reprennent ensuite leur forme naturelle. Dans le cas des humains, il s'agit d'une réaction qui consiste, pour un personnage (ou un peuple) blessé psychologiquement, à accepter cette blessure, à la supporter et à reprendre une vie normale. Elle avait été identifiée par deux américains, Werner et Smith, en 1954, et elle a été popularisée par Boris Cyrulnik dans plusieurs ouvrages parus depuis 1999.

L'auteur commence par faire une historiographie du sujet (13), qui l'amène à parler de C. von Clausewitz (7, 8 et 40), un grand observateur de la guerre, de la victoire et de la défaite, un penseur qui a été parfois victime d'une déformation de ses propos; son apport est pourtant essentiel et O. S. a eu raison de faire appel à ses écrits; il aurait pu lui ajouter Jomini qui, lui aussi, a beaucoup réfléchi à ces questions, à la même époque. Ils ont montré que des liens étroits unissaient la guerre et la politique, ce qui, eu demeurant, a été contesté par von Willisen, à tort à notre avis. Il apparaît que Varus, à cause du désastre du Teutoburg, est au centre de l'étude; il devint un vrai fantôme, et il est très souvent mentionné. Il est vrai que cette bataille, en réalité une embuscade, s'apparenta à une guerre totale, au sens où Ludendorff analysa cette forme de conflit: les militaires furent tués, les civils aussi, et tout ce qui avait un rapport avec eux fut détruit. Pour le reste, les relations de Rome avec l'échec sont prévisibles: les autorités tentaient de camoufler l'échec, elles insistaient sur les victoires, et tous les habitants de l'empire s'essayaient à la résilience.

En cas de défaite, le général pouvait devenir un bouc émissaire (36) et Varus illustre la situation. Il est mis en parallèle avec Caecina et Lollius d'un côté (59), Paetus et Fuscus de l'autre (239). O. S. se demande si, dans le cas d'un échec du chef rapporté par les textes, quand c'est le souverain, il ne faut pas voir une arrière-pensée politique, une critique de l'empereur (73 et 254), des imperatores victi (308); car, si l'on a compté des empereurs en vainqueurs, on en a sussi présentés en vaincus.

La résilience, au niveau du pouvoir politique, est rendue possible grâce à la propagande qui s'exprime à travers des œuvres d'art et des ouvrages, à travers aussi des monnaies à notre avis (91; ici, O. S. rejoint H. J. Clark), et Fronton, à propos de la guerre parthique, donne un exemple de camouflage de la vérité (254). Une autre question qui se pose concerne les soldats; ceux qui étaient morts au combat étaient rarement, voire jamais, honorés par des monuments importants (138 et 178). Et pourtant, la psychologie des Romains aurait dû leur être favorable. Mais ils avaient élaboré une hiérarchie des valeurs: ils pensaient que la victoire valait mieux que la mort, et qu'il était préférable, pour un soldat, de mourir que capituler, d'aller en captivité ou d'être réduit en esclavage (184). Et puis, la résilience a un solide allié, l'oubli (230). Toutefois, il est à noter que, dans l'armée française actuelle, les médecins constatent que le stress post traumatique (SPT) peut surgir parfois longtemps après le moment de peur (chez les Romains: 209. Actuellement, des anciens combattants de la guerre d'Algérie voient surgir leurs angoisses de jadis).

La résilience, chez les Romains, a un autre appui, la discipline militaire. Si l'on demandait à un légionnaire: "Faut-il vaincre ou mourir? " Évidemment, il répondrait qu'il faut vaincre (Charles Ardant du Picq a expliqué que le soldat qui va à l'ennemi y va toujours avec l'espoir de la victoire). Pour les Romains, il ne fallait pas capituler, mais résister, et accepter le dilemme: la victoire ou la mort (321, 358 et 369). Comme le dit un titre de paragraphe: "Nous ne nous rendrons jamais" (358).

En résumé, la défaite provoquait un SPT, qui pouvait être combattu par la résilience; elle pouvait être utilisée dans un but politique, quand un ennemi de l'empereur sous-entendait qu'il était le responsable du désastre (308).

Ce livre est un monument d'érudition. On le voit dans les 75 pages de bibliographie (il est en général évidemment aisé de trouver deux ou trois titres qui manquent, mais ici il faudrait chercher avec soin). La science historique apparaît surtout dans les notes de bas de page, très nombreuses et surtout terriblement fournies; à certaines pages, la note occupe plus de place que le texte. Elles permettent beaucoup de discussion et certaines d'entre elles ont valeur d'article.

Nous n'avons aucune critique à adresser à l'auteur, qui a trouvé un sujet original et qui a su faire un livre intéressant. En revanche, nous adresserons des reproches à la maison d'édition. Elle a voulu faire des économies sur le papier et elle a peut-être réussi à réduire le livre de vingt pages, mais cette économie a été faite au détriment de la lisibilité: chaque nouveau chapitre commence trois lignes après le précédent, souvent en milieu de page, sans aller à la page de droite (appelée en français "la belle page"). Dans ces conditions, il a fallu numéroter non seulement les chapitres, mais encore les paragraphes, et le système choisi (1., 1.1., 1.1.1., 1.2., etc.) ne facilite pas la lecture; nous avouons humblement que, parfois, nous avons eu du mal à suivre.

Au total, un nouveau bon livre, parfois difficile à suivre pour des raisons de présentation, recommandé pour les étudiants et plus encore pour les chercheurs.

Yann Le Bohec