Rezension über:

Florian Rudolf Forster: Die Polis im Wandel. Ehrendekrete für eigene Bürger im Kontext der hellenistischen Polisgesellschaft (= Die hellenistische Polis als Lebensform; Bd. 9), Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht 2018, 594 S., zahlr. Tbl., ISBN 978-3-946317-18-0, EUR 90,00
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Rezension von:
Patrice Hamon
Université Paris-Sorbonne
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Patrice Hamon: Rezension von: Florian Rudolf Forster: Die Polis im Wandel. Ehrendekrete für eigene Bürger im Kontext der hellenistischen Polisgesellschaft, Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht 2018, in: sehepunkte 20 (2020), Nr. 3 [15.03.2020], URL: https://www.sehepunkte.de
/2020/03/32629.html


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Florian Rudolf Forster: Die Polis im Wandel

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Qui tente aujourd'hui d'écrire une histoire du monde hellénistique accorde une place importante aux cités et recourt nécessairement à une catégorie documentaire typique de cette période: les décrets honorifiques. Connus par centaines, ceux-ci constituent la source principale des études consacrées aux institutions politiques et sociales des poleis et tiennent une place de choix dans les recueils de sources. [1] Pour saisir ce qu'est une cité grecque au IIIe s., quoi de mieux que de lire le décret de Samos pour Boulagoras (IG XII 6, 11)?

L'ouvrage de Florian Forster, issu d'une thèse de doctorat, se concentre sur les décrets que les cités octroient à leurs propres citoyens pour leur dévouement au service de tous. Il s'inscrit dans le sillage des recherches sus-mentionnées, mais opère un décentrement original en s'intéressant aux décrets eux-mêmes en tant qu'objets d'histoire. Ces textes, à mi-chemin entre l'éloge et la biographie, adoptent une structure et une phraséologie stéréotypées, en particulier dans leurs «considérants». Proposés et lus dans l'Assemblée, ils furent - pour ceux qui sont conservés - monumentalisés par la gravure, constituant autant d'actes de discours destinés à durer, proposant des modèles et cherchant à fixer des souvenirs collectifs. Par ce biais, ils affirment, enracinent ou perpétuent des normes et des valeurs fondant un ordre social. La vaste enquête de Forster, articulée en 13 chapitres, appuyée sur un corpus de ca 360 textes (Appendice, 485-529) et une connaissance précise de la bibliographie, propose des éclairages suggestifs sur ce phénomène.

La première tâche consiste à quantifier la production des décrets, à la cartographier et à établir sa répartition dans le temps. Athènes grave des décrets pour des étrangers dès l'époque classique et cet usage se répand et se banalise ensuite dans nombre de cités. [2] En revanche, graver des décrets développés en l'honneur de citoyens n'est pas une pratique courante, ni permanente. À Athènes, celle-ci n'apparaît qu'à la fin du IVe s. et s'éteint au début du IIe s. (chap. 2). Elle se diffuse çà et là en Asie Mineure, dans certaines îles égéennes et dans le Pont Gauche au cours du IIIe s. (chap. 3, 4 et 8); elle est absente à la même époque à Éphèse, à Milet et dans la Grèce péninsulaire. Le nombre de ces décrets, comparé à celui des proxénies pour étrangers, est faible: dix à Athènes en ca 130 ans; un ou deux par génération ailleurs en général (et l'on ne peut invoquer, dans des sites bien fouillés comme Priène ou Iasos, le hasard des découvertes archéologiques). Loin d'être universels, les décrets pour des citoyens sont donc exceptionnels. Forster souligne avec insistance qu'ils ne relèvent pas de la routine et rejette l'hypothèse de Ph. Gauthier selon laquelle une procédure légale de demande des grands honneurs aurait existé à Athènes au IIIe s. (91-95).

Pour l'auteur, la décision remarquable de graver un tel document n'appartient pas au jeu ordinaire des institutions mais répond à un besoin collectif, voire à une urgence: il faut l'expliquer par des circonstances particulières, une menace militaire ou une crise de ravitaillement. Athènes, soumise à la tutelle macédonienne, honore les porte-voix de la résistance au pouvoir royal ou, le cas échéant, de certains accommodements avec ce dernier: les décrets sont les lieux de mémoire où s'entretiennent, au gré des événements du IIIe s., l'idéal démocratique et l'aspiration tenace des Athéniens à l'autonomie. La question de l'autonomie se pose également aux cités d'Ionie, libérées à la fin du IVe s. et aussitôt confrontées aux rois conquérants. L'attachement des Priéniens à la liberté et à l'égalité se trempe dans les épreuves, comme celle qu'illustrent les décrets pour les chefs de garnison ou pour Sôtas confronté aux Galates. Il est notable que certains documents n'abrègent aucune des opérations techniques de délibération et de vote, dévoilant ainsi la mécanique de la décision et les outils de répartition et de contrôle qu'elle met en œuvre: c'est une façon, suggère justement Forster, de mettre en scène la capacité de la polis à se gouverner et de renforcer, par ce miroir de la démocratie, l'adhésion des citoyens au régime. Mais quel était l'effet réel de ces stèles visibles dans l'espace public, et quelquefois martelées? Il est impossible de le dire précisément. Mieux vaut toutefois éviter de parler de «propagande» (58, 185): uniques et inamovibles, ces monuments exposent des valeurs, mais ne les diffusent pas à proprement parler.

Le nombre de décrets décroît dans la première partie du IIe s., puis connaît un net regain à partir des années 130, en particulier en Asie Mineure. La disparition du royaume attalide et l'établissement de l'ordre romain créent alors un contexte nouveau, où l'enjeu pour les cités est de consolider leur liberté dans l'amitié romaine. La guerre d'Aristonicos est un moment décisif dans ce «second âge des décrets»: à Pergame, à Bargasa et à Métropolis sont honorés des citoyens qui établissent d'emblée de bons rapports avec les Romains et défendent les droits de leur communauté (chap. 7). Dans le dernier tiers du IIe s., plusieurs autres individus sont célébrés, non plus pour avoir sauvegardé la démocratie, mais pour avoir entretenu des liens avec Rome, financé des édifices publics et fortifié la cohésion civique en assurant la tenue des fêtes et le fonctionnement du gymnase. Forster met en valeur le rôle sans précédent attribué à la gymnasiarchie (chap. 5). À Pergame, cité qui renaît en quelque sorte grâce au testament d'Attale, quatre décrets pour des gymnasiarques sont gravés entre 133 et les années 120, ce qui montre que le gymnase est alors le creuset où se forge l'identité collective des Pergaméniens. Mais ce lieu est tout aussi important à Priène ou à Érétrie. Ph. Gauthier a relevé naguère que les décrets de la fin du IIe s. et du Ier s. se caractérisent par des nouveautés dans le comportement des citoyens en vue et dans la gamme des honneurs à eux octroyés, autrement dit dans le rapport entre la cité et ses bienfaiteurs, ce qui permet d'établir une césure, dans l'histoire des poleis, entre haute et basse époque hellénistique. Forster confirme cette périodisation, ainsi que l'idée d'une reconfiguration des sociétés civiques («im Wandel»). Il ajoute des éléments intéressants sur la composition et le style orné des décrets de cette époque tardive, dans lesquels l'analyse du caractère se mêle à l'exposé des actions pour composer un bios (chap. 12). À travers ces vies admirables, l'image qu'on élabore est désormais celle d'une communauté placée sous le patronage rassurant d'êtres pleins de noblesse, exceptionnels, sinon providentiels. Cette évolution s'achève au début de l'époque impériale. Mis à part la forme résiduelle des décrets de consolation, le genre du décret honorifique s'épuise alors au profit des statues (chap. 11).

Nous avons appris naguère à nous orienter dans la «cité des images», ombre portée d'Athènes sur les vases de l'époque classique. L'ouvrage utile et approfondi de Forster offre une porte d'entrée dans ce qu'on pourrait appeler la «cité des décrets», bâtie autour d'individus exemplaires et de moments édifiants. La tâche des historiens consiste à arpenter l'écart qui la sépare des cités réelles, multiples et changeantes, de l'époque hellénistique.


Notes:

[1] Cf. Ph. Gauthier: Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athen / Paris 1985; ID.: Études d'histoire et d'institutions grecques, Paris 2011. Voir également M. Austin: The Hellenistic World from Alexander to the Roman Conquest, 2nd ed., Cambridge 2006.

[2] W. Mack: Proxeny and Polis: Institutional Networks in the Ancient Greek World, Oxford 2015.

Patrice Hamon