Francesca Galli (a cura di): Il De Luce di Bartolomeo da Bologna. Studio e edizione (= Micrologus Library; 104), Firenze: SISMEL. Edizioni del Galluzzo 2021, LI + 381 S., ISBN 978-88-9290-051-6, EUR 62,00
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La renommée de plusieurs maîtres mendiants actifs dans la péninsule italienne entre le XIIIe et le XIVe siècle se doit en premier lieu au fait d'avoir été listés parmi les sources possibles de Dante. Tel a été le cas de Ptolémée de Lucques, Pierre de Trabibus et Barthélémy de Bologne, pour n'en citer que trois. Cependant, comme le remarque Francesca Galli, la dernière éditrice du De luce, cette démarche demeure paradoxale, la notoriété relative dont ces noms jouissent ne correspondant souvent pas à une reconsidération d'ensemble, telle que cette édition la propose.
Soit dit depuis le début, dans cet ouvrage, les lectrices et lecteurs intéressés à Dante ne trouveront pas une réponse à la question d'une possible dérivation de la figuration de la rose des élus dans les Paradis d'une quaestio de Barthélemy (la IIIe sur l'assomption de la Vierge) ou de celle de l'explication que Dante offre dans son Banquet (III, XIV, 5-6) des lemmes concernant la lumière de l'introduction du De luce. À ce sujet, Galli se garde très prudente, sans trancher l'opposition entre les conclusions de S. Gilson, pour qui il ne s'agirait que de l'outillage conceptuel de l'époque (voir Medieval Optics and Theories of Light in the Works of Dante, 2000), et celles de G. Fioravanti, pour qui Barthélémy « semble pouvoir avoir été » le chaînon entre Avicenne et la Commedia (voir son édition commentée du Convivio, dans Dante Alighieri. Opere, vol. II, Milano 2014). Sa prudence, tout à fait raisonnable, dérive de la prise en compte de la proximité entre la production de Barthélémy et le milieu de Dante (à Bologne, dans sa jeunesse et lors des premières années de son bannissement, ainsi qu'à Florence, une copie manuscrite du De luce étant à Santa Croce au XVe siècle déjà), mais aussi du nombre des textes encore inédits et à explorer (149-166).
Mais pourquoi s'intéresser alors à Barthélémy ? Cet ouvrage offre plusieurs réponses. Je n'en rappelerai que trois, concernant le profil biographique de ce franciscain ; la structure et la visée du De luce ; finalement, sa postérité.
La vie de Barthélémy, restitué dans le premier chapitre (3-46), explique l'oubli qui l'a frappé. Barthélémy fait son entrée dans l'ordre franciscain à Bologne de toute vraisemblance. À cette ville renvoient tant le toponyme transmis par les rubriques des manuscrits qu'un court récit que Barthélémy relate dans ses questions disputées et qui sera également repris par d'autres. Après un premier séjour à Anagni, auprès de la cour de pape Alexandre IX (vers la fin des années 1250), il poursuit ses études à Paris, où il revête les fonctions de « magister regens » pour la chaire de théologie des franciscains pour un ou deux années entre 1272-1277 (11-12), avant de rentrer en Italie, où il reçoit des offices importants, par exemple en tant qu'assistant de Nicolas III dans la rédaction de la bulle Exiit qui seminat (1279) et Ministre Provincial de l'Ordre en 1285-1289. Or, la totalité des ouvrages attribués à Barthélémy - le De luce, mais aussi 15 sermones et collationes, 27 questions disputées (à remarquer l'intégration d'une quaestio de caritas transmise par le Città del Vaticano, BAV, Borgh. 361, f. 167r-168v ; 28), et peut-être une section du commentaire sur les Sentences transcrit par Pierre de Limoges (Paris, BnF, lat. 16407) - semble remonter à son séjour en France. Voici dressé par les soins de Galli le profil de l'un de ces nombreux frères franciscains, et plus généralement mendiants, qui, après avoir reçu une éducation de la plus haute tenue, délaissent la carrière académique pour se consacrer à la vita activa de leurs ordres. Il s'agit des figures marquantes mais dont la postérité demeure difficile à cerner car elle n'a pas été encadrée dans les pratiques institutionnalisées de facultés et studia.
Ce profil se manifeste également à la micro-échelle du De luce. « Sermo », plus que « tractatus », si l'on se tient aux définitions de son auteur (86-87), ce texte échappe aux classifications courantes des productions scholastiques. S'il s'agit assurément d'un projet articulé (87), Barthélémy n'a pas dû l'achever ou le revoir puisque des inconsistances et de traces d'oralité y subsistent (88-89). Mais quel en était le but ? L'étude de Galli nous fait rentrer dans l'atelier d'un frère qui maîtrise parfaitement les doctrines de perspectiva de son temps ainsi que le canon des auctoritates philosophiques et théologiques (voir l'analyse des sources citées, 102-134). En même temps, dans cet écrit, Barthélémy se veut moins technique que les manuels « scientifiques », moins érudit même que dans ses propres questions disputées (131). Il vise en revanche à dresser un compendium d'optique développant les analogies entre lumière terrestre et spirituelle (88). On a donc affaire avec un manuel de perspectiva spiritualis, qui s'adresse aux confrères pour les soutenir dans leur mission pastorale. Cette visée explique la nature hybride de cet ouvrage, qui se présente comme une exégèse du verset guide Ego sum lux mundi (Jean 8, 12) à la manière du sermo modernus, et procède avec les mouvances typiques du discours homilétique (90-91). On comprend alors mieux la singularité du De luce par rapport à la production de science optique à l'âge de son triomphe, de Grosseteste à Bacon, Peckham et Witelo, ainsi que par rapport à la théologie de la lumière de Bonaventure (86-134), Barthélémy ayant l'ambition de renouer ces traditions à l'usage de ses confrères et de leur activité de prédication. Un passeur de connaissances, dans sa vie comme dans son œuvre.
A-t-il Barthélémy réussi ? Les mentions explicites sont élogieuses mais limitées - Salimbene de Adam et l'anonyme du Liber exemplorum ad usum praedicantium qui avait assisté à ses sermons à Paris (8-9). Dans le IVe chapitre (135-166), Galli applique alors la seule méthode praticable, à savoir l'analyse des reprises non déclarées. Grâce à son dépouillement, on découvre que des portions de l'œuvre de Barthélémy, y inclut de ses questions, se propagent le long de trois directrices principales. Aux deux plus attendues et connues, à savoir homilétique (dans un sermon anonyme édité par Piana) et quaestiones disputatae (de Joannes Michaelis et Matteo d'Acquasparta), Galli rajoute des reprises importantes de la part de Servasanto da Faenza dans son Liber de virtutibus et vitiis (137-148).
La description des témoins - Firenze, BML, Plut. 17 sin. 8 (que l'éditrice date aux dernières décennies du XIIIe siècle et où elle suggère de reconnaître la main de Servasanto, 167-182) et Oxford, Canon. Pat. Lat. 52 - et de leurs rapports, les principes d'édition qui délaisse la méthode combinatoire suivie autrefois par Squadrani (1932) en la faveur d'une édition sur double régistre des deux témoins, car porteurs de deux rédactions différentes (202), ainsi qu'une très utile synopsis des contenus (221-228) et un glossaire (228-245), introduisent à l'édition du texte. On ne saura qu'etre reconnaissants à l'éditrice pour sa maîtrise de ces matériaux délicats et pour sa prudence, ainsi que pour nous avoir restitué le portrait à part entière d'un franciscain qui, si l'on ne peut pas encore lister comme une source avérée de Dante, fut nulle doute l'un des artifices du rayonnement des savoirs scholastiques dans la peninsule italienne.
Elisa Brilli