Lee L. Brice / Elizabeth M. Greene (eds.): Women and the Army in the Roman Empire, Cambridge: Cambridge University Press 2024, XVII + 332 S., ISBN 978-1-107-06857-5, GBP 105,00
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Jacqueline Fabre-Serris / Alison Keith (eds.): Women and War in Antiquity, Baltimore / London: The Johns Hopkins University Press 2015
Brian Campbell / Lawrence A. Tritle (eds.): The Oxford Handbook of Warfare in the Classical World, Oxford: Oxford University Press 2013
Ian Haynes: Blood of the Provinces. The Roman Auxilia and the Making of Provincial Society from Augustus to the Severans, Oxford: Oxford University Press 2013
Ce livre a été écrit pour défendre une thèse: des femmes vivaient à l'intérieur des camps de l'armée romaine. La matière est divisée en onze chapitres, tous accompagnés de notes substantielles et surtout de longues bibliographies finales, ce qui en fait une œuvre d'érudition; cette qualité est confirmée par plusieurs passages d'historiographie. Il est précédé par un hommage aux femmes historiennes des femmes (V), mouvement auquel nous nous associons avec plaisir.
Le premier chapitre expose le point de vue des concepteurs du livre (3); il dit que les femmes jouaient un rôle important à l'intérieur des enceintes militaires (6 & 42), propos repris dans le deuxième chapitre, où les auteurs remarquent toutefois que leurs traces ne sont pas toujours très nettes (31), ce que nous ne contesterons pas. Ensuite, deux cas sont analysés. D'abord, comme on sait, Agrippine l'Aînée a accompagné son mari, Germanicus, en Germanie et en Syrie, et elle était accompagnée par ses enfants, au nombre desquels figurait le petit Caligula. Ensuite, une certaine Gallitta nous conduit à relire Pline le Jeune (Ep., VI, 31, 4-6) et Tacite (H., I, 48, 4-5); curieusement, l'auteur s'appuie davantage sur l'épistolier que sur l'historien - nous y reviendrons.
Le contenu du chapitre 5 déborde le titre qui lui a été donné: il ne traite pas seulement des mères, mais il aborde toutes les femmes, -ou presque-, qui étaient en rapport avec des soldats. Pour mieux étayer leur propos, les auteurs ont privilégié la garnison de Rome. Mais il y a plus et mieux. L'épigraphie et la papyrologie font mention de plusieurs générations: 1) grand(s)-mère(s), assez rarement pour des raisons de démographie; 2) mère, tante(s); 3) "épouse", concubine, sœur(s) et belle(s)-sœur(s); 4) fille(s); nièce(s); 5) petite(s)-fille(s), de manière exceptionnelle. Il faut leur ajouter les esclaves féminines, les affranchies et les innomées, les prostituées.
Les "artifacts" prouvent, la présence de femmes à l'intérieur du camp d'après l'auteur du chapitre 6: nécessaires de toilettes pour les dames nobles, avec, en plus, des objets liés aux activités religieuses (161) et économiques (164 et 166) pour les non-nobles. Ils font pourtant partie de ce que les archéologues appellent "le mobilier". L'argumentation des auteurs est confortée par deux études régionales, les exemples de la Bretagne (chapitre 7) et de l'Égypte (chapitre 8); dans ce dernier cas, les "épouses" suivaient les "maris" jusque dans les oasis (225). Le chapitre 9 nous ramène au rôle religieux des femmes. Il était important partout (243), ce qui était depuis longtemps bien connu, et également dans les camps est-il ajouté (246).
Un avant-dernier chapitre, à la fois utile et incontestable, est consacré au titre de mater castrorum. Il établit qu'il a été employé de Marc Aurèle à Galère (276) et il permet de distinguer quatre périodes (278). Pour finir, une bonne analyse de la situation au temps de Justinien est proposée au lecteur (chapitre 11), mais elle concerne le Moyen Âge et pas l'Antiquité.
L'auteur de ces lignes a soutenu une thèse contraire à celle qui est présentée ici (Bonner Jahrbücher, 217, 2017, 95-112): l'accès des camps de l'armée romaine était strictement prohibé aux femmes, y compris à l'épouse du légat qui vivait dans un deuxième praetorium situé hors du camp quand elle suivait son mari (art. cité, 105-107). Ce point de vue se fondait sur des textes d'origines diverses, clairs et tous concordants, sans une seule affirmation opposée (art. cité, 104-105). Cette unanimité avait conduit à procéder à un nouvel examen des découvertes archéologiques utilisées jadis pour affirmer cette présence, et à constater qu'elles avaient été surinterprétées, car elles appartenaient toujours au "mobilier" (art. cité, 100-102). En revanche, un texte de César dit explicitement que des civils restaient à l'extérieur du rempart, malgré la menace des ennemis; ils auraient pu y être admis si le temps n'avait pas manqué (Caes., B.G., VI, 37, 2); il ne semble pas avoir beaucoup intéressé les auteurs de ce livre.
Les savants auteurs qui ont collaboré à ce livre ont donné un très grand nombre de références, aux textes et au matériel archéologique, et ils ont abondamment discuté de chaque aspect du sujet. Certes, ils ont retiré de leur liste des arguments dont on a montré qu'ils étaient peu convaincants (par exemple, la présence d'un nécessaire à couture ne prouve rien). Ils ont rapporté tous les cas possibles où des femmes étaient en lien avec les soldats, ce qui revient un peu à "noyer le poisson", car aucun ne mentionne explicitement la présence de femmes dans les camps, sauf si on les torture. Le chapitre 4, consacré à l'affaire Gallitta, illustre ce propos. Cette Dame, épouse d'un tribun et convaincue d'adultère avec un centurion, pose un problème de droit, qui est ici excellement étudié. L'auteur part du texte de Pline, cité plus haut, et le commente très bien, mais elle oublie en cours de route le passage de Tacite qui dit clairement qu'elle avait dû se déguiser en soldat pour essayer de pénétrer dans le camp.
Les auteurs de ce livre auraient dû reprendre tous les textes qui contredisent leur théorie et expliquer pourquoi ils n'y croyaient pas. Ce sera sans doute pour une prochaine publication.
Yann Le Bohec