Rezension über:

Aurora Panzica: De la Lune à la Terre. Les débats sur le premier livre des Météorologiques d'Aristote au Moyen Âge latin (la tradition parisienne, XIIIe -XVe siècles) (= Studia Artistarum; Vol. 53), Turnhout: Brepols 2025, XXXVIII + 821 S., 1 Farb-Abb., ISBN 978-2-503-60627-9, EUR 105,00
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Rezension von:
Jean-Marc Mandosio
École pratique des hautes études, PSL, Paris
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Jean-Marc Mandosio: Rezension von: Aurora Panzica: De la Lune à la Terre. Les débats sur le premier livre des Météorologiques d'Aristote au Moyen Âge latin (la tradition parisienne, XIIIe -XVe siècles), Turnhout: Brepols 2025, in: sehepunkte 25 (2025), Nr. 10 [15.10.2025], URL: https://www.sehepunkte.de
/2025/10/40277.html


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Aurora Panzica: De la Lune à la Terre

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La météorologie, dans le corpus aristotélicien, est la partie de la philosophie naturelle qui traite des corps mixtes inanimés, autrement dit de tout ce qui est formé par les interactions des quatre éléments (feu, air, eau, terre) dans le monde sublunaire. Le ciel, en revanche, constitué d'un cinquième élément incorruptible, comprend la sphère des étoiles fixes et les sept sphères planétaires, la plus basse étant celle de la Lune. D'où le titre du livre d'Aurora Panzica, De la Lune à la Terre, plaisante inversion de celui de Jules Verne, De la Terre à la Lune. Elle porte sur les commentaires médiévaux du livre I des Météorologiques d'Aristote, qui suit précisément ce parcours descendant, au fil duquel sont expliquées les causes de phénomènes tels que les étoiles filantes, les comètes, la Voie lactée (tous considérés dans l'aristotélisme, à l'inverse de la cosmologie moderne, comme des corps sublunaires et non célestes), la rosée, la gelée blanche, la neige, la pluie, la grêle, les sources d'eau douce, la variabilité des terres émergées.

Au sein des universités médiévales, la lecture des Météorologiques faisait partie de l'enseignement obligatoire à la faculté des arts (prélude aux études doctorales), d'où l'abondance des commentaires qui ont subsisté. Rares sont ceux qui ont fait l'objet d'une édition critique, car cette partie de la philosophie d'Aristote est peu étudiée de nos jours. Un certain intérêt pour ce domaine a néanmoins émergé depuis quelque temps. Nous disposons déjà d'une excellente synthèse de la météorologie arabe médiévale [1] et d'un bon défrichage de la littérature météorologique de la Renaissance [2], tout aussi abondante mais encore moins explorée que celle du Moyen Âge.

Le présent ouvrage vient donc combler une importante lacune. Le travail de Panzica s'est élargi par cercles successifs à partir des commentaires de Nicole Oresme sur les Météorologiques, qu'elle a précédemment édités [3]. Oresme (né vers 1320, mort en 1382) fut l'un des penseurs les plus en vue de l'université de Paris au XIVe siècle, au sein d'un groupe appelé, à tort ou à raison, "école de Buridan", comprenant - outre Nicole Oresme - Jean Buridan, Albert de Saxe et Thémon Juif. Leur production, dense et exigeante, a été remarquée depuis longtemps et à juste titre par les historiens de la philosophie et des sciences : "Les maîtres parisiens du milieu du XIVe siècle ont en effet élaboré les problématiques héritées de la tradition interprétative du texte aristotélicien à un niveau de complexité qui ne sera plus atteint dans la scolastique latine [4], et qui les a parfois conduits à anticiper des développements de la science moderne" (XXVII-XXVIII). Panzica souligne que les thèses de ces différents auteurs, "loin de constituer une unité homogène, se distinguent les unes des autres sur bien des points importants", au point parfois de s'opposer diamétralement (XVI). L'étude comparative des commentaires issus de l'"école de Buridan" constitue le noyau central du livre.

Cette étude est enrichie, en amont, par une connaissance précise de la tradition interprétative universitaire parisienne du XIIIe et du début du XIVe siècle et, en aval, par l'exploitation de tout un ensemble de sources issues en particulier des universités d'Italie et d'Europe centrale et orientale (notamment celle de Cracovie), qui illustre le rayonnement de l'"école de Buridan" au XVe siècle. En conséquence, de nombreux manuscrits inédits sont cités dans le livre. Outre cela, l'ouvrage comprend en appendice (683-727) un très utile répertoire des commentaires aux Météorologiques, tant attribués qu'anonymes, composés entre le XIIIe et le XVe siècle, dont certains sont identifiés et décrits pour la première fois.

Panzica s'est concentrée sur les commentaires qui ne se contentent pas de suivre le texte d'Aristote mais recourent à la forme argumentative des quæstiones. La raison en est que "les commentaires par questions expriment la créativité spéculative de la pensée scolastique, qui, tout en cherchant un ancrage textuel pour ses questionnements, ne craint pas de s'en délivrer dès qu'elle a identifié des problèmes que ses sources laissaient sans réponse" (XXIV). Le texte aristotélicien devient donc, pour ainsi dire, le prétexte à des développements doctrinaux pouvant s'éloigner considérablement des thèses aristotéliciennes, jusqu'à les contredire le cas échéant.

Aboutissement d'une somme de travail impressionnante, ce livre, clair et méthodique, se lit avec beaucoup d'agrément, ce qui n'est pas un mince succès étant donné la complexité et parfois l'étrangeté de la matière traitée (je pense en particulier à la théorie de l'antipéristase). Les différents commentaires ne sont pas examinés les uns à la suite des autres mais habilement mis à contribution au fil des thèmes abordés. La présentation est si limpide que le livre peut être lu par toute personne s'intéressant à l'histoire des sciences et de la philosophie médiévales, sans nécessiter aucune compétence technique préalable.

Le volume débute par une présentation de la météorologie médiévale et de son statut épistémologique, qui est problématique dans la mesure où les phénomènes étudiés relèvent de la contingence et non de la nécessité (1-49). Elle est suivie d'un exposé détaillé sur les relations complexes entre le ciel et le monde sublunaire (51-244), traitant notamment de l'épineuse question de la production de chaleur et de lumière à partir des astres. Sont ensuite examinées la matière et les dimensions de l'univers (245-321). Commence alors "la descente vers la Terre", scandée par les divers phénomènes météorologiques décrits plus haut (323-588), aboutissant aux éléments d'hydrologie et de géologie prodigués par les commentateurs à la suite d'Aristote (589-663). Le parcours s'achève - toujours en filant la métaphore inspirée de Jules Verne - sur une conclusion en forme d'"atterrissage" (665-682).

J'ai été enchanté par cet ouvrage, qui complète magistralement notre connaissance d'un corpus médiéval jusqu'ici largement négligé. On ne peut qu'espérer qu'un second volume soit publié, étant donné que différentes questions tout aussi fascinantes - la nature des nuages et des vents, les causes de l'arc-en-ciel et d'autres phénomènes optiques, l'origine des tremblements de terre et des volcans - sont traitées dans les livres II et III des Météorologiques. L'exploitation du même corpus devrait permettre à l'autrice de compléter cette étude en tirant tout le bénéfice du remarquable travail déjà accompli.


Notes:

[1] Paul Lettinck: Aristotle's Meteorology and Its Reception in the Arab World, Leiden 1999.

[2] Craig Martin: Renaissance Meteorology. Pomponazzi to Descartes, Baltimore 2011.

[3] Aurora Panzica (éd.): Nicole Oresme: Questiones in Meteorologica de ultima lectura, recensio Parisiensis. Study of the Manuscript Tradition and Critical Edition of Books I-II.10, Leiden 2021; Nicole Oresme: Questiones in Meteorologica de prima lectura, Leiden 2024.

[4] C'est vrai si l'on ne tient pas compte de ce qu'il est convenu d'appeler la "seconde scolastique" des XVIe et XVIIe siècles.

Jean-Marc Mandosio