Benjamin W. Millis / S. Douglas Olson (eds.): Inscriptional Records for the Dramatic Festivals in Athens. IG II2 2318-2325 and Related Texts (= Brill Studies in Greek and Roman Epigraphy), Leiden / Boston: Brill 2012, XIV + 238 S., 45 s/w-Abb., ISBN 978-90-04-22912-9, EUR 117,00
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Cet ouvrage fournit une édition nouvelle, assortie d'un commentaire nourri, du gros dossier épigraphique traitant de la vie théâtrale à Athènes entre le début du Ve siècle et le milieu du IIe siècle av. J.-C. Constitué de trois séries d'inscriptions connues sous les noms respectifs de Fasti (IG II2 2318), Didascaliae (IG II2 2319-24), Catalogus victorum (IG II2 2325), il est notre principale source d'informations sur la nature des concours dramatiques athéniens organisés dans le cadre des Dionysia (Grandes Dionysies) de mars/avril et des Lenaia de janvier/février. Il nous renseigne aussi sur l'identité des poètes et acteurs qui y prirent part ou remportèrent la victoire, avec parfois le nom des pièces qu'ils jouèrent ou produisirent, et sur la chronologie de l'ensemble des manifestations.
Il s'agit assurément d'un beau livre. La présentation claire et soignée du texte sur deux colonnes s'accompagne de bonnes (voire très bonnes) photos des pierres. Intelligemment mises en regard des passages analysés, elles permettent au lecteur de vérifier par lui-même ce qui lui est dit. De la même manière, les reconstitutions indiquant l'emplacement de chacun des fragments étudiés aident à mieux comprendre les problèmes rencontrés comme les résultats obtenus (26, 92). Quant aux erreurs typographiques, elles sont quasi inexistantes (lire IG II2 2325C au lieu de B, 24).
Au dire des éditeurs, le livre est né de leur désir commun de combler une lacune bibliographique. Depuis les travaux pionniers de Capps (1899-1943), de Wilhelm (1906), et la publication des diverses catégories d'inscriptions par Kirchner (1931) dans les Inscriptiones Graecae, aucune étude, à la fois systématique et scientifiquement incontestable, n'aurait été menée, selon eux, de la documentation disponible (augmentée par la découverte de nouveaux fragments au cours du XXe siècle). En conséquence les travaux parus dans l'intervalle (Ghiron-Bistagne 1976, Pickard-Cambridge 1988 - version révisée par Lewis et Gould -, Mette 1977) sont rapidement disqualifiés en note (1, n.1), même s'ils sont abondamment utilisés ensuite. Et c'est sans autre forme de procès que les analyses de D. Summa (2008) portant sur les inscriptions analysées au chapitre 3 sont également écartées (123, n. 3).
Le livre s'organise en 4 chapitres principaux, auxquels s'ajoutent une table des illustrations et des figures, une bibliographie (cent titres environ) et deux indices (noms des poètes, acteurs, chorêgoi ou producteurs; liste des archontes athéniens datant les documents). En fin de volume, un appendice traite de quelques fragments d'une inscription énigmatique fort mutilée qui, quoique trouvée à Rome (IGUR 216, 215, 218), enregistre les classements obtenus en concours à Athènes par plusieurs poètes comiques entre les années 440 et 340. Millis et Olson suggèrent, après Koerte (1905, 444), qu'ils ornaient les murs d'une des bibliothèques de la ville impériale, sans mentionner toutefois leur attribution postérieure par Tamm (1935) au temple d'Hercule et des Muses, lieu de réunion du collegium poetarum.
Un chapitre spécifique est réservé à chacune des trois catégories d'inscriptions: le chapitre 1 traite des 13 fragments des Fasti recensant les victoires remportées par les poètes, acteurs et chorèges, dans les diverses épreuves des Dionysia entre le début du Ve siècle et 329/8; le chapitre 2 concerne les Didascaliae, qui enregistrent de 421/0 aux années 140 ou 130 le nom et le classement des concurrents (poètes et acteurs) aux épreuves de comédie et de tragédie des Dionysia et des Lenaia, en mentionnant le titre des œuvres mises en scène, mais aussi les spectacles présentés hors concours; le chapitre 4 porte sur le Catalogus victorum, ensemble de 8 listes énumérant les noms des vainqueurs (poètes et acteurs) aux deux fêtes, dans un ordre chronologique correspondant à la date de leur première victoire, et les faisant suivre du nombre total de leurs succès. On retrouve partout le même schéma organisateur: bref rappel du contenu du document; discussion approfondie, fragment après fragment, de la place de chacun dans l'ensemble où il s'insère; lemmes détaillés de chaque fragment; texte grec livré en continu (avec une nouvelle numérotation des lignes et, en italiques, la mention de celle adoptée dans les IG); notes (épigraphiques, puis prosopographiques).
Le chapitre 3 est, lui, consacré à des compétitions entre acteurs (SEG XXVI 208 et IG II2 2324) que Millis et Olson interprètent, de manière inédite et sans preuve véritable, comme des épreuves intégrées à la fête des Chytroi et destinées à désigner le vainqueur autorisé à produire la pièce du répertoire de son choix lors des prochaines Dionysia.
Cela dit, le livre remplit-il ses promesses? On saura gré à Millis et Olson d'avoir méticuleusement autopsié les pierres, mais on regrettera qu'ils n'aient fait aucun usage des estampages disponibles ni procuré d'apparats critiques complets, qui permettraient au lecteur de suivre tous les progrès de la recherche et de les attribuer en toute certitude à qui de droit. On regrettera aussi qu'arrivant à la conclusion (déjà connue) que les trois séries de textes avaient toutes été gravées par des mains différentes, ils ne voient là que des ajouts réalisés sur une base autre qu'annuelle (135). Confessant par ailleurs leur ignorance à propos du support architectural des Fasti, ils rejettent avec force l'hypothèse (généralement admise, même avec des variantes dans la reconstitution de la forme de l'édifice) qu'une structure unique, dédiée à Dionysos, en 279/8, par un agonothète (IG II2 2853), ait pu accueillir les Didascalies et les Listes de vainqueurs, au double motif éminemment discutable que les blocs d'architrave portant ces dernières seraient trop petits pour couvrir les murs supportant les premières (59) et que ces mêmes murs seraient trop minces par rapport aux blocs d'architrave (138). Selon eux, les 43 fragments des Listes de vainqueurs, dans lesquels ils incluent pour la première fois SEG XLVIII 183, auraient été gravés sur un édifice rectangulaire, qu'ils situent à l'origine dans le sanctuaire de Dionysos Eleuthéreus (au vu du lieu de trouvaille de la plupart des pierres) et auquel ils continuent d'associer d'IG II2 2853, sans toutefois réfléchir à la fonction d'une telle construction.
Concernant l'histoire du théâtre athénien, les résultats sont assez décevants. Certes, on situera désormais l'introduction du concours d'acteurs de tragédie entre 451/0 et 448/7 et non plus en 450/49 (Capps). Pour le reste, Millis et Olson admettent, à leur tour, sans discussion, la restitution de l'en-tête des Fasti, la date de 486 (impossible pourtant à fixer précisément) pour l'introduction du concours de comédie dans les Dionysia, l'omission par le graveur du palmarès d'une année comprise entre 374/3 et 343/2, à l'exclusion de 347/6 (et si un concours n'avait pas eu lieu?). Ils signalent, sans les contextualiser, le nouveau sort réservé au drame satyrique, au moins à partir de 341/0 et l'irrégularité des concours des Dionysia à partir du IIe siècle Si élaborés que puissent paraître les calculs visant à établir le nombre de lignes de chacune des séries épigraphiques étudiées, on ne saurait oublier l'enseignement majeur de leur contenu: loin d'être fixé ad aeternam, le programme des compétitions théâtrales (ou autres) d'Athènes (ou d'ailleurs) était toujours susceptible d'être modifié.
Désormais le livre de Millis et Olson ne pourra pas être ignoré, même si, tout compte fait, il nous laisse un peu sur notre faim.
Brigitte Le Guen