Alexander Sarantis / Neil Christie (eds.): War and Warfare in Late Antiquity . Current Perspectives (= Late Antique Archaeology; Vol. 8), Leiden / Boston: Brill 2013, 2 Bde., XXVI + 1084 S., 2 Bände, ISBN 978-9-0042-5257-8, EUR 254,00
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Alexander Sarantis et Neil Christie ont réussi l'exploit de couvrir tout le champ du sujet à partir de notices rédigées par des auteurs divers. C'est pourquoi ils publient un ouvrage à la fois complet et utile où le lecteur trouvera des réponses à toutes les questions qu'il se pose, ou presque, car il est inévitable que les différents thèmes soient abordés de manière plus ou moins approfondie. Et s'il y a des lacunes, on trouvera moyen de les combler dans les innombrables bibliographies qui accompagnent les articles, articles qui sont plusieurs fois entièrement consacrés à des recensions commentées. Ils ont rassemblé les textes de conférences prononcées à Oxford en 2007 (du moins 13 sur 16), et ils ont ajouté des notices qui couvraient les champs qui n'avaient pas été labourés. Les auteurs sont en général très connus et ils ont donné un résumé au début de chaque article (on trouvera en outre des résumés en français, 1001-1008).
Les trois premières lignes de la préface (XVII) devraient être lues à leurs étudiants par tous les professeurs qui font des cours sur cette période: la guerre occupe une bonne partie de l'histoire, mais elle est paradoxalement peu étudiée. Ce premier volume s'ouvre ensuite sur une copieuse synthèse due à Alexander Sarantis (1-98) et destinée à faire savoir ce qu'était la guerre dans l'Antiquité tardive. L'auteur y aborde la question de la "grande stratégie" (il n'a pas pu connaître un article trop récent, La "petite stratégie" de Rome en Gaule au temps du César Julien, 355-361, Rivista di Studi Militari, I, 2012, 49-67). Puis il analyse ce qui fait une campagne, le renseignement, la logistique, l'équipement, l'exercice, la discipline et le moral; il ne néglige pas la tactique, faite surtout de sièges et de batailles en plaine. Le texte suivant (C. Whately) est consacré aux sources. On y retrouvera tous les auteurs connus, et d'autres qui le sont moins; le sciences annexes (numismatique, épigraphie, papyrologie, archéologie surtout) ne sont pas oubliées et (153, 370) on trouve sept bibliographies commentées, par thèmes puis par régions. Quatre chapitres sont consacrés aux thèmes. A. S. présente l'équipement militaire, en y incluant, évidemment, l'armement (153-175), puis il décrit la tactique, traitant de la bataille, du siège et du combat naval (177-207). C. Whately analyse l'organisation de l'armée, en suivant les questions financières, la composition en unités, le recrutement et la vie quotidienne (209-238), puis il parle de la stratégie et de la diplomatie aux frontières (239-254). Pour les études régionales, trois ensembles ont été isolés. Alexander Sarantis et Neil Christie ont séparé les fortifications trouvées dans l'Occident (255-296) de celles qui se trouvaient en Afrique (297-315, par le seul A. S.) et en Orient (317-370, de même par le seul Alexander Sarantis).
Le deuxième volume contient des analyses consacrées aux différents aspects de la guerre et à sa pratique dans les régions qui ont constitué l'empire; plus que les recouper, elles approfondissent celles qui ont précédé. Ces notices distinguent encore thèmes et régions. Elles abordent successivement le renseignement (J. Haldon, 373-393), les fortifications en Orient (J. Crow, 397-432), la poliorcétique (M. Whitby, 433-459), l'équipement des Romains (J. C. N. Coulston, 463-492; J. Conyard, 523-567) et celui des barbares (M. Kazanski, 493-521). On retrouve les sources littéraires avec Procope et Agathias (I. Colvin, 571-597), de nouveau avec Procope (C. Lillington-Martin, 599-630), et surtout avec Ammien Marcellin (S. Belcher, 631-652). On revient ensuite à des études régionales, d'abord en Occident (H. Elton, 655-681; M. Kulowski, 683-701; O. Olesti et alii, 703-731), puis dans les Balkans (J. Wilkes, 735-757; A. S., 759-808; F. Curta, 809-850), enfin dans quelques autres secteurs de l'Orient (J. Howard-Johnston, 853-891; C. Whately, 893-924). L'ouvrage se termine sur les guerres civiles (Neil Christie, 927-968) et les entreprises de reconquête attribuées à Justinien (M. Kouroumali, 969-999). Un copieux index (1009-1084) permettra de retrouver ce que cachent parfois les titres des notices.
Bien plus, on louera les concepteurs de ce livre pour avoir pensé à des sujets souvent négligés: la diplomatie (239-254, 759-808), la poliorcétique sous ses deux aspects, offensif et défensif (433-459), l'équipement militaire des barbares (493-521) et les guerres civiles (927-968), ce qui rappelle que la guerre est intimement liée à la politique; c'est ce que disait Clausewitz dans le propos célèbre sur la guerre comme poursuite de la politique par d'autres moyens (contrairement à de nombreux commentateurs qui ont extrait cette phrase de son contexte, il ne disait rien de plus et ne manifestait dans cette phrase aucun bellicisme particulier). Curieusement placé au milieu de ces synthèses, un petit article (703-731) fait part d'une découverte étonnante, la sépulture d'un macaque à Iulia Libica, sur le versant sud des Pyrénées; le primate était accompagné d'objets militaires datés des Ve-VIe siècles.
Les deux volumes ont été rédigés par des auteurs connus et souvent spécialisés dans les questions qu'ils ont eu à traiter. Il serait trop facile de relever des lacunes dans les bibliographies, aussi ne nous livrerons-nous pas à cet exercice; tout au plus peut-on regretter que tous les articles et tous les ouvrages cités soient parfois mis sur le même plan (seulement parfois); peut-être le lecteur aurait-il été encore plus aidé par davantage d'esprit critique. Quoi qu'il en soit, Alexander Sarantis et Neil Christie ont su réaliser un ouvrage utile et de grande qualité. Il donne une première lumière sur tous les aspects de la guerre durant l'Antiquité tardive et il permet de reprendre tous les aspects du sujet grâce aux listes de sources et de bibliographie, en général heureusement commentées. Dorénavant, personne ne pourra aborder l'histoire militaire de cette période sans commencer par voir ce qu'il apporte.
Yann Le Bohec